Un clown tourmenté est entraîné dans un maelström de folie et de violence qui finira par le transformer en l’un des plus notoires psychopathes de la culture pop. Fort, conflictuel et controversé, et cela n’a rien à voir avec le comics.
D’abord et avant tout
Tout d’abord, il faut savoir qu’il s’agit du même Joker que dans l’univers de Batman, devenu l’un des méchants les plus emblématiques de l’histoire de la fiction populaire. Mais, ce 'Joker' n’ayant rien à voir avec celui que l’on connaît dans l’univers du comics et du cinéma, il est parfaitement autonome. C’est une histoire originale, pas un prequel ou le premier chapitre d’une nouvelle franchise. Et même si le Joker a acquis sa notoriété de sa lutte contre Batman, ce dernier brille par son absence. On ne le voit pas apparaître une seule fois.
'The Dark Knight', 'Logan' et 'Joker'
Si vous êtes un fan de BD, ne vous attendez pas à un spectacle du style des derniers Avengers, d’Aquaman ou à la légèreté des films évoquant Spiderman ou encore au côté hilarant d’un 'Deadpool'. Non pas que nous n’aimions pas ces films, mais ‘Joker’ choisit une approche qui lui est propre. On y retrouve peut-être le côté sombre de 'The Dark Knight' de Christopher Nolan et le côté fataliste de Wolverine dans 'Logan'. Deux films qui, comme 'Joker', transcendent le genre de la bande dessinée et des superhéros.
Prenez vos pilules Arthur !
Non, il s’agit de l’histoire d’Arthur Fleck. Lorsque nous le rencontrons, il a déjà fait un séjour en hôpital psychiatrique. Chaque jour, il avale une flopée de pilules et essaie de gagner sa vie en jouant les clowns. Il vit à Gotham City, dans un petit appartement qu’il partage avec Penny, sa mère handicapée. Sa vie tourne entièrement autour de son adoration pour Murray Franklin, animateur de télévision, et de Thomas Wayne, son ancien employeur et désormais candidat à la mairie.
A tout le monde son point de non-retour
Arthur a développé de l’attrait pour une de ses voisines, Sophie Dummond, une mère célibataire. Tout semble aller dans le bon sens, du moins durant un moment. Jusqu’à ce qu’une série d’événements inopinés fasse sombrer Arthur dans les tréfonds de la vie. Il pète un câble lors d’une confrontation violente dans le métro. Il ne prend plus ses médicaments. Le côté obscur d’Arthur peut alors, lentement mais sûrement prendre le dessus. Arthur, passif, fait alors place à son alter ego tordu, Joker. Et ça, Gotham City va l’apprendre…
Ce Gotham est palpable
Todd Philips, le réalisateur, effectue un virage à 180° après sa trilogie hilarante The Hangover. Il dépeint Gotham City comme un New York des années ’70, sombre et impitoyable, et ce de façon très convaincante. Philips avoue avoir été inspiré par 'Taxi Driver' de Scorcese. Cela se ressent. Sa Gotham City est à ce point convaincante qu’elle est presque palpable. Chaque coin de rue est une promesse de violence, sans les fausses espérances que représentent smartphones et autres caméras de sécurité. Il ne faut pas sous-estimer l’impact de la perfection de cette mise en scène sur l’atmosphère que rend Joker.
Pas pour les assoiffés de sang
‘Joker’ est un film violent et Philips utilise cette violence avec un maximum d’effets pour choquer. Une fois encore, ce n’est pas à destination de la critique, mais bien un choix déterminé. Les actions les plus effrontées d’Arthur ne répondent pas au besoin de sang du spectateur, celui-ci ne trouvant pas de manière satisfaisante la traditionnelle punition que méritent les méchants. Mais contrairement à ce que vous avez pu entendre sur ce film, ‘Joker’ n’est pas un film à la gloire de la violence. Après tout, The Joker n’attend pas de sympathie pour son personnage tourmenté.
Joaquim Phoenix a échoué
Ce que le film demande, c’est que l’on comprenne l’évolution de clown triste à tueur maniaque et manipulateur, tueur de masse. Dans le rôle principal, Joaquim Phoenix espérait créer un personnage auquel personne ne pourrait s’identifier. Encore plus troublant qu’une éventuelle violence, c’est la capacité, justement, à nous identifier au personnage. Nous chérissons tous, de temps en temps, nos pensées les plus sombres. Nous devons tous faire face à une forme de harcèlement, quelle que soit sa forme. Et nous avons tous parfois difficile à rester raisonnable face à un monde qui l’est de moins en moins.
Joaquim Phoenix brille
Les acteurs qui ont précédé Joaquim Phoenix dans l’élaboration du rôle iconique de Joker ne sont pas des moindres : Jack Nicholson, Heath Ledger et Jared Leto. Mais tout comme il ne sert à rien de vouloir comparer ce film à une adaptation d’un comics, la comparaison avec le Joker de Phoenix n’a rien de relevant. L’homme joue ici le rôle de sa vie. La transformation d‘Arthur de Flex en Joker est magistrale. Même la façon de marcher des deux personnages, qui n’en sont qu’un, est légèrement différente. Et nous ne vous parlons même pas de son sourire. Selon Phoenix, c’est une des choses les plus difficiles qu’il ait eu à faire dans sa carrière d’acteur.
Ah oui, et Robert De Niro
La présence impressionnante de Joaquim Phoenix rend la présence des autres personnages anodine. Cela en dit long sur les efforts qu’ils auront développés tout au long du film. On soulignera toutefois Zazie Beetz qui brille lorsqu’elle sublime les sentiments d’Arthur, mais aussi Frances Conroy qui est une mère de psychopathe incroyable. Et ceux qui ont déjà vu le film comprendront que l’on ne peut pas ne pas mentionner Leigh Gill, acteur nain, incomparable dans une scène pour le moins macabre. On en oublierait presque Robert De Niro, forcément impeccable, et la boucle est ainsi bouclée en matière de comparaison avec ‘Taxi Driver’ de Scorcese.
Du pain béni pour les Oscars
‘Joker’ a déjà remporté un Lion d’or à Venise et, malgré la controverse, devrait faire le plein aux Oscars. Et si le film n’obtient rien, Joaquim Phoenix, lui, ne peut pas passer à côté de la prestigieuse statuette. ‘Joker’ n’est pas un film qui rend heureux. On vous prescrit même un bon bain chaud après l’avoir visionné. Mais rares sont les films de qualité qui nous marquent autant l’esprit et les sentiments.